La participation gaulliste vient de loin...
L'apparition de la société industrielle a en effet sécrété un antagonisme durable entre le travail et le capital, symbolisé par la notion de contrat de louage de services à laquelle étaient réduites les relations du travail.
A cette opposition stérile et menaçante née de la sujétion dans laquelle se trouvent placés les salariés, certains ont cherché à substituer à cette relation conflictuelle une relation de solidarité dans l'entreprise, dans le but de transformer les travailleurs, de salariés qu'ils sont, en partenaires ou en associés qu'ils doivent devenir.
Cette apparition du thème de l'actionnariat salarié s'est faite en trois temps. A la suite des réflexions de plusieurs théoriciens, certains chefs d'entreprise ont lancé des expériences d'actionnariat des salariés avant que le législateur ne prévoit un cadre législatif;
on peut en effet distinguer trois courants théoriques :
- le courant " utopiste " est sans doute le plus radical. Il propose de dépasser l'opposition entre capital et travail par une nouvelle organisation de la relation salariale fondée sur l'association. Ainsi, Charles Fourier avait préconisé le partage des revenus en quatre douzièmes pour le capital, trois pour les talents et cinq pour le travail. Louis Blanc dans son ouvrage L'organisation du travail en 1840, propose la création d'ateliers sociaux financés par l'Etat et par le capital privé dans lesquels les bénéfices seraient répartis en trois parts : l'une pour les membres de l'association, l'autre à vocation sociale, la dernière pour la rémunération des capitaux privés. Pierre-Joseph Proudhon a sans doute poussé le plus loin l'idée d'association dans sa théorie mutualiste et fédéraliste de la propriété. Ainsi, dans son Idée générale de la révolution au XIXème siècle, il écrit : " De deux choses l'une : ou le travailleur, nécessairement parcellaire, sera simplement le salarié du propriétaire capitaliste-entrepreneur ; ou bien il participera aux chances de perte et de gain de l'établissement, il aura voix délibérative au conseil, en un mot, il deviendra associé ".
- le courant " humaniste " exprime l'idée que la participation permet d'assurer la dignité de l'homme au travail. Il est proche de la doctrine sociale de l'Eglise qui a recommandé l'association des salariés dans l'entreprise dès l'Encylique Rerum novarum de Léon XIII en 1891.
- le courant " productiviste " fait de la participation aux résultats, voire de l'association au capital un facteur d'amélioration quantitative et qualitative des résultats de l'entreprise par la motivation des salariés et est illustré notamment par les saint-simoniens comme Michel Chevalier, Armand Bazard ou Prosper Enfantin.
La richesse du débat théorique ne doit cependant pas cacher la virulence de l'opposition à l'idée d'association. A Proudhon qui affirme, dans son Manuel d'un spéculateur à la Bourse, que " rendre l'ouvrier copropriétaire de l'engin industriel et participant aux bénéfices au lieu de l'y enchaîner comme un esclave, qui oserait dire que telle ne soit pas la tendance du siècle ? ", Paul Leroy-Beaulieu répond, dans La question ouvrière au XIXème siècle, que " le régime des primes est infiniment supérieur au régime de la participation. Il en offre tous les avantages et en repousse tous les inconvénients ; il stimule l'ouvrier par la perspective d'un gain assuré, il ne lui fournit aucun prétexte d'immixtion dans la gestion de l'entreprise ".
Aussi, ce sont ces oppositions qui permettent de mieux comprendre le faible nombre et la lenteur des expériences d'actionnariat des salariés.
La plus symbolique, mais aussi la plus durable de ces expériences fut sans nul doute le familistère fondé par Jean-Baptiste Godin à Guise, dans les Ardennes, en 1859. Disciple des thèses de Fourier, Godin a voulu créer une nouvelle industrie pour " salarier le capital et capitaliser le travail ". Il a ainsi créé une usine de poêles en fonte -qu'il a nommée le familistère à l'image du phalanstère fourieriste- dans lequel les ouvriers sont associés. Ce familistère dura jusqu'en 1968.
Au-delà de cette expérience particulièrement poussée d'association, cette époque a été marquée par les pratiques de certains patrons philanthropes. Ainsi, MM. Alain Couret et Gérard Hirigoyen2(*) citent l'exemple des grands magasins.
" A la mort d'Aristide Boucicaut, fondateur des " magasins du Bon Marché ", sa veuve constitue en 1880 une commandite simple avec ses collaborateurs et ses principaux employés. Ce n'est certes pas de l'actionnariat mais il y a bien cumul des conditions d'associé et de salarié ; très vite au demeurant, la société deviendra une commandite par actions.
" Jaluzot, fondateur des magasins du " Printemps " devait pour sa part procéder de manière plus autoritaire : les salariés de la société durent se porter acquéreurs d'actions de la société libérées par prélèvement obligatoire sur leurs salaires. "
Cette pratique de certaines chefs d'entreprises a d'ailleurs perduré, tout en perdant son aspect moralisateur initial pour devenir progressivement un moyen d'intégration des salariés dans l'entreprise. Ainsi, Paul Ricard distribuera gratuitement en 1939 une partie du capital de sa société à ses salariés.
Ces expériences restèrent cependant à la fois très différentes et relativement peu nombreuses. C'est cela qui explique sans doute que le législateur ait cherché à encadrer par la loi ces pratiques afin d'harmoniser ces différentes expériences et d'accompagner ce mouvement.
c) Le temps de la première reconnaissance législative
· La loi du 18 décembre 1915 réglementant les sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP).
Cette loi visait à réglementer les sociétés coopératives dont l'origine remonte à la seconde République et aux débuts du second Empire.
La coopération relève cependant d'une logique différente de celle de la participation et de l'actionnariat salarié : il ne s'agit pas en effet, dans le mouvement coopératif, d'associer le travail et le capital mais de les fusionner La propriété y est commune, le pouvoir exercé de manière démocratique appartient aux salariés et les profits sont répartis entre eux.
· La loi " Briand " du 26 avril 1917 créant les sociétés anonymes à participation ouvrière.
Cette loi se rapprochait plus de la logique d'actionnariat salarié et de participation. Elle introduisit la possibilité de distribuer gratuitement des actions aux salariés, sans toutefois leur accorder le droit de vote.
En pratique, ces sociétés anonymes à participation ouvrière distribuaient deux types d'actions : les actions de capital, qui sont des actions ordinaires et les actions de travail, qui sont la propriété collective du personnel salarié.
2. La notion gaulliste de la participation : une logique partenariale qui intègre l'actionnariat salarié
C'est sous l'impulsion du Général de Gaulle que l'actionnariat salarié allait connaître une seconde naissance dans le cadre de la politique de participation.
a) La notion gaulliste de participation
C'est le 4 janvier 1948, aux heures les plus sombres de la reconstruction que le Général de Gaulle, dans son discours aux mineurs de Saint-Etienne, définit peut-être le mieux sa conception de la participation. Dans un climat social difficile, seule l'association entre le capital et le travail permettrait de réconcilier l'économique et le social. Il importe donc de transformer dans l'entreprise le salarié en " associé ".
" Oui, la puissance de la nation et le sort de chacun des Français dépendent, désormais, de notre productivité. Que voulez-vous ? Nous n'avons pas de terres nouvelles à conquérir. Notre " espace vital " est atteint. Il ne faut pas nous attendre à voir jaillir de notre sol des sources imprévues de richesse. Quant aux matières et produits qu'il nous sera possible d'importer, en vertu, par exemple, d'un éventuel Plan Marshall, et qui nous seraient précieux pour un démarrage vers l'aisance, soyons bien convaincus que nous devrons les payer, sous une forme ou sous une autre, et que nous ne les recevrons qu'à la mesure de notre propre effort. Alors ? Eh bien ! puisque le salut n'est pour nous, ni dans des conquêtes à faire, ni dans des trésors à découvrir, ni dans des cadeaux à recevoir, cherchons-le dans le rendement ! Il s'agit de produire, avec ce dont nous disposons, beaucoup plus, beaucoup mieux, beaucoup plus vite, que ce que nous produisons.
" Mais c'est par là, justement, que la classe ouvrière française voit s'offrir à elle le moyen de jouer le grand rôle qui lui revient et que la dictature du parti que vous savez lui refuserait, tout comme le lui refusait le capitalisme d'antan, tout comme le lui refuse la confusion d'aujourd'hui. Car, le progrès dans la productivité, comment l'obtenir, sinon par la coopération active du personnel tout entier ? Oui, parfaitement ! Il faut que tout le monde s'y mette et que chacun y ait intérêt. Assez de ce système absurde où, pour un salaire calculé au minimum, on fournit un effort minimum, ce qui produit collectivement le résultat minimum. Assez de cette opposition entre les divers groupes de producteurs qui empoisonne et paralyse l'activité française. En vérité, la rénovation économique de la France et, en même temps, la promotion ouvrière, c'est dans l'Association que nous devons les trouver.
" L'Association, qu'est-ce à dire ? D'abord ceci que, dans un même groupe d'entreprises, tous ceux qui en font partie, les chefs, les cadres, les ouvriers, fixeraient ensemble entre égaux, avec arbitrage organisé, les conditions de leur travail, notamment les rémunérations. Et ils les fixeraient de telle sorte que tous, depuis le patron ou le directeur inclus, jusqu'au manoeuvre inclus, recevraient, de par la loi et suivant l'échelle hiérarchique une rémunération proportionnée au rendement global de l'entreprise. C'est alors que les éléments d'ordre moral qui font l'honneur d'un métier : autorité pour ceux qui dirigent, goût du travail bien fait pour les ouvriers, capacité professionnelle pour tous, prendraient toute leur importance, puisqu'ils commanderaient le rendement, c'est-à-dire le bénéfice commun. C'est alors qu'on verrait naître, à l'intérieur des professions, une autre psychologie que celle de l'exploitation des uns par les autres ou bien celle de la lutte des classes. "
Trois objectifs étaient assignés à la participation, qui devenait ainsi l'axe d'une " troisième voie " :
- humain : assurer la dignité de l'homme au travail ;
- social : substituer la coopération à la lutte des classes ;
- économique : donner un nouveau " moteur " à la croissance, en permettant à tous de bénéficier des " fruits de l'expression ".
Dans ses Mémoires d'Espoir, il a développé cette idée de " troisième voie ".
" Cependant, depuis longtemps, je suis convaincu qu'il manque à la société mécanique moderne un ressort humain qui assure son équilibre. Le système social qui relègue le travailleur -fût-il convenablement rémunéré- au rang d'instrument et d'engrenage est, suivant moi, en contradiction avec la nature de notre espèce, voire avec l'esprit d'une saine productivité. Sans contester ce que le capitalisme réalise, au profit, non seulement de quelques-uns, mais aussi de la collectivité, le fait est qu'il porte en lui-même les motifs d'une insatisfaction massive et perpétuelle. Il est vrai que des palliatifs atténuent les excès du régime fondé sur le " laissez faire, laissez passer ", mais ils ne guérissent pas son infirmité morale. D'autre part, le communisme, s'il empêche en principe l'exploitation des hommes par d'autres hommes, comporte une tyrannie odieuse imposée à la personne et plonge la vie dans l'atmosphère lugubre du totalitarisme, sans obtenir, à beaucoup près, quant au niveau d'existence, aux conditions du travail, à la diffusion des produits, à l'ensemble du progrès technique, des résultats égaux à ceux qui s'obtiennent dans la liberté. Condamnant l'un et l'autre de ces régimes opposés, je crois donc que tout commande à notre civilisation d'en construire un nouveau, qui règle les rapports humains de telle sorte que chacun participe directement aux résultats de l'entreprise à laquelle il apporte son effort et revête la dignité d'être, pour sa part, responsable de la marche de l'oeuvre collective dont dépend son propre destin. N'est-ce pas là la transposition sur le plan économique, compte tenu des données qui lui sont propres, de ce que sont dans l'ordre politique les droits et les devoirs du citoyen ?
" C'est dans ce sens que j'ai, naguère, créé les comités d'entreprise. C'est dans ce sens que, par la suite, étant écarté des affaires, je me suis fait le champion de l'" association ". C'est dans ce sens que, reprenant les leviers de commande, j'entends que soit, de par la loi, institué l'intéressement des travailleurs aux bénéfices, ce qui, en effet, le sera. C'est dans ce sens que, tirant la leçon et saisissant l'occasion des évidences mises en lumière aux usines et à l'Université par les scandales de mai 1968, je tenterai d'ouvrir toute grande, en France, la porte à la participation, ce qui dressera contre moi l'opposition déterminée de toutes les féodalités, économiques, sociales, politiques, journalistiques, qu'elles soient marxistes, libérales ou immobilistes. Leur coalition, en obtenant du peuple que, dans sa majorité, il désavoue solennellement de Gaulle, brisera, sur le moment, la chance de la réforme en même temps que mon pouvoir. Mais, par-delà les épreuves, les délais, les tombeaux, ce qui est légitime peut, un jour, être légalisé, ce qui est raisonnable peut finir par avoir raison. "
Le but non équivoque de la participation, tel qu'il ressort de ces lignes, est bien le changement de la condition morale du travailleur, en lui permettant de devenir un " associé " et non plus un instrument.
Cette conception ne remet pas en cause la nécessaire autorité du chef d'entreprise, ni la notion de profit, fondement et moteur de notre économie libérale. Elle vise à rééquilibrer les rapports entre les apporteurs de travail et les apporteurs de capital dans le sens d'une plus grande équité et dans la perspective d'une plus grande efficacité.
b) L'actionnariat salarié, instrument de la participation
- la participation aux résultats de l'entreprise ;
- la participation au capital de l'entreprise,
- la participation à la gestion de l'entreprise.
Certes, il semble qu'il ait essentiellement privilégié la participation aux résultats et à la gestion, estimant sans doute que la participation au capital découlerait nécessairement de la mise en oeuvre des premières. Il le reconnaît d'ailleurs lui-même, dans son entretien télévisé du 7 juin 1968 :
" Il y a une troisième solution (autre que le capitalisme ou le communisme) : c'est la participation, qui, elle, change la condition de l'homme au milieu de la civilisation moderne. Dès lors que les gens se mettent ensemble pour une oeuvre économique commune, par exemple pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment ensemble une société, une société où tous aient intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct. Cela implique que soit attribuée, de par la loi, à chacun une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés d'une manière suffisante de la marche de l'entreprise et puissent, par des représentants qu'ils auront tous nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions. C'est la voie dans laquelle j'ai déjà fait quelques pas ; par exemple en 1945, quand avec mon gouvernement j'ai institué les comités d'entreprises, quand en 1959 et 1967, j'ai, par des ordonnances, ouvert la brèche de l'intéressement ".
Pourtant l'actionnariat des salariés n'est pas absent des réalisations du Général de Gaulle en matière de participation, lesquelles doivent également beaucoup à des hommes comme René Capitant, Marcel Loichot et Louis Vallon3(*). Ainsi, l'ordonnance du 7 janvier 1959 sur l'intéressement prévoit expressément la possibilité d'un intéressement sous forme d'une participation au capital. De même, l'ordonnance du 17 août 1967 sur la participation aux résultats dispose que l'accord de participation peut prévoir explicitement la distribution d'actions au titre de la participation.
B. UN DÉVELOPPEMENT PROGRESSIF
1. Les étapes du développement de l'actionnariat salarié en France
- une phase initiale dans le cadre de la participation financière (1959-1970) ;
- des tentatives de relance (1970-1986) ;
- l'amorce d'un nouvel essor depuis les privatisations (1986-1994).
a) La phase initiale (1959-1970)
L'ordonnance de 1959 a été le premier texte législatif à instituer une formule de participation financière. Il prévoit la possibilité, par voie d'accord collectif, d'associer les salariés aux résultats de l'entreprise, les sommes distribuées aux salariés étant exonérées de charges sociales.
A l'origine, l'ordonnance de 1959 prévoyait une modalité particulière d'intéressement : la participation au capital. Elle instaurait en effet la possibilité d'une distribution gratuite d'actions à la suite d'une incorporation des bénéfices au capital aboutissant à la création de nouveaux titres. Il s'agissait là d'une première formule favorisant l'actionnariat des salariés.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a néanmoins supprimé cet intéressement au capital.
· L'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 relative à la participation des salariés aux fruits de l'expansion des entreprises
Obligatoire pour les entreprises de plus de 100 salariés (de plus de 50 depuis 1990), ce régime ouvre aux salariés un véritable droit sur les bénéfices dégagés au cours de l'exercice. Ces entreprises doivent en effet faire bénéficier leur personnel d'une " participation aux résultats ", les sommes ainsi distribuées étant cependant bloquées pendant cinq ans.
En cas d'accord, l'ordonnance prévoyait quatre formules d'emploi de la réserve spéciale de participation et notamment l'attribution d'actions de la société, ces actions provenant soit d'une incorporation des réserves au capital, soit d'un rachat préalable de ses actions par l'entreprise.
Cette formule permettait donc, au travers de la participation aux résultats, aux salariés qui participent aux résultats de leur entreprise de devenir associé de celle-ci et de posséder une partie de son patrimoine.
· L'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967 créant les plans d'épargne d'entreprise
Facultatifs, les plans d'épargne d'entreprise (PEE) permettaient de collecter l'épargne salariale en l'assortissant d'un régime fiscal favorable. L'ordonnance prévoyait expressément que l'épargne salariale placée sur les PEE pouvait être affectée à l'acquisition d'actions de l'entreprise.
b) Les tentatives de relance spécifique de l'actionnariat salarié (1970-1986)
Cette relance a pris deux formes bien distinctes :
- l'instauration d'un actionnariat dans les entreprises publiques ;
- le développement des formules d'actionnariat dans les sociétés privées.
Dans le secteur public, cette tentation de relance de l'actionnariat s'est essentiellement traduite par des distributions gratuites d'actions. On rappellera pour mémoire les principaux dispositifs.
La loi n° 70-11 du 2 janvier 1970 a mis en place un système d'actionnariat à la Régie nationale des usines Renault. Un capital a été constitué qui a fait l'objet de distributions gratuites d'actions au personnel selon un système de " points " tenant compte de l'ancienneté (cinq années au moins) et des responsabilités.
La loi n° 73-8 du 4 janvier 1973 relative à la mise en oeuvre de l'actionnariat du personnel dans les banques nationales et les entreprises nationales d'assurance prolonge l'expérience tentée à la Régie Renault en l'élargissant. Alors que les actions " Renault " n'étaient cessibles qu'à l'Etat, à la Régie, à un fonds spécial et aux membres du personnel, les titres cédés gratuitement au personnel des banques et sociétés d'assurances nationales peuvent venir à terme sur le marché financier et être acquis par certains opérateurs. Le capital distribué dans ce cadre représente environ 5 % du capital social. Deux cessions onéreuses ont été réalisées au cours des deux exercices 1973 et 1974. Dans les sociétés d'assurances, ces cessions atteignent environ 1 % du capital.
La loi n° 73-9 du 4 janvier 1973 instituant l'actionnariat du personnel pour les deux sociétés SNIAS (société nationale industrielle aérospatiale) et SNECMA (société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation) a prévu une attribution gratuite d'actions au personnel ainsi que la participation des salariés aux fruits de l'expansion, qui peut être réalisée par l'attribution d'actions ou de coupures d'actions des sociétés. L'Etat doit cependant détenir, en tout état de cause, une part du capital de ces entreprises, qui ne peut être inférieure aux deux tiers.
Dans le secteur privé, plusieurs lois ont cherché à relancer l'actionnariat salarié hors du cadre exclusif de la participation financière. Ces différentes lois répondent à des objectifs cependant différents. Trois d'entre elles visent à mieux assurer l'association de l'ensemble des salariés au capital de leur entreprise et s'intègrent donc dans la logique de la participation au capital. Deux autres cherchent à répondre à des objectifs plus spécifiques : la loi de 1970 sur les plans d'options sur actions et la loi de 1984 sur le rachat d'entreprise par ses salariés.
· La loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 relative aux options de souscription ou rachat d'actions au bénéfice du personnel des sociétés a institué les plans d'options sur actions.
Directement inspiré du " stock-option plan " anglo-saxon, les plans d'options sur actions constituent une forme mixte d'intéressement et de participation au capital, dans laquelle l'entreprise consent à son personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées.
Les plans d'options sur actions reposent sur le principe suivant : une société peut décider d'offrir à ses salariés la possibilité d'acquérir -sur une période qu'elle détermine- ses actions à un prix fixé et constant sur toute la période. Les salariés bénéficiaires peuvent acquérir les actions en levant des options qui leur sont consenties individuellement lorsqu'ils constatent que la valeur de l'action est supérieure au prix de l'offre. L'intérêt de ce mécanisme reposait sur l'existence d'un véritable gain en capital et sur des avantages fiscaux importants.
· La loi n° 73-1196 du 27 décembre 1973 relative à la souscription d'actions de sociétés par leurs salariés a institué les " plans d'actionnariat ". Cette loi permet aux entreprises de réserver des augmentations de capital à l'ensemble de leurs salariés ou de proposer à ces derniers l'achat en bourse de leurs propres actions. Les titres ainsi acquis sont obligatoirement nominatifs et restent, sauf exception, incessibles pendant cinq ans. Ces acquisitions se font soit à titre individuel, soit par l'intermédiaire d'un fonds commun de placement d'entreprise. Ces plans d'actionnariat se veulent incitatifs tant pour le salarié (décote de 10 % sur le prix d'acquisition ou de souscription, possibilité d'abondement de l'entreprise, exonération d'impôt sur le revenu dans un certain plafond) que pour l'entreprise (déductibilité fiscale de l'abondement à hauteur de 3.000 francs par salarié et par an, exonération de cotisations sociales pour l'abondement et le rabais).
· La loi n° 76-1232 du 29 décembre 1976 (loi de finances pour 1977) institue, dans son article 13, la possibilité d'un don manuel d'actions entre les propriétaires de l'entreprise et les salariés. Ce système d'actionnariat salarié, qui visait avant tout à favoriser la transmission de l'entreprise aux salariés, restait subordonné à un agrément du ministère de l'économie et des finances. Il bénéficiait alors, pour le calcul des droits de succession, d'un abattement de 10.000 francs (100.000 francs depuis la loi de finances pour 1989).
· La loi n° 80-834 du 24 octobre 1980 relative à distribution d'actions en faveur des salariés des entreprises industrielles et commerciales visait à inciter les sociétés à distribuer gratuitement des actions à leur personnel à hauteur de 3 % de leur capital. Il s'agissait d'un système à la fois unique et facultatif. Unique car la distribution était organisée dans des conditions qui ne se renouvelleraient pas. Facultatif car elle laissait aux entreprises la liberté d'y recourir. La spécificité de cette loi tenait notamment dans les incitations mises en place. Ainsi, les entreprises qui avaient décidé de distribuer gratuitement des actions se voyaient attribuer une créance sur l'Etat égale à 65 % de la valeur des actions, créance portant intérêt et remboursable en 10 annuités constantes.
· La loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique institue la reprise de l'entreprise par ses salariés (RES). Cette loi introduit en France la technique du LMBO (" Leverage Management Buy Out ") en l'assortissant de fortes incitations fiscales. Elle permet aux salariés de réaliser le rachat de leur entreprise par l'intermédiaire d'une société holding créée à cette fin dont ils deviennent les actionnaires.
Au-delà de ces divers dispositifs législatifs, le Parlement a également formulé différentes propositions de loi approfondissant l'actionnariat des salariés. La plus symptomatique de l'intérêt du Parlement sur ce sujet est sans doute la proposition de loi créant les sociétés d'actionnariat salarié, rapportée au Sénat par votre rapporteur et discutée en 1980. Cette proposition de loi4(*), qui n'a jamais été définitivement adoptée, visait à associer les salariés et les apporteurs de capitaux dans les " sociétés de matière grise " en instituant une nouvelle forme de partage de la valeur ajoutée : les salariés et les apporteurs de capitaux se répartissent paritairement les bénéfices sous forme d'actions nouvelles après versement d'un dividende préciputaire aux actionnaires.
" La société d'actionnariat salarié, formule idéale ? Peut-être moins idéale et plus aisément réalisable qu'il n'y paraît. Le caractère facultatif de la transformation en société d'actionnariat salarié conduit en effet à se poser des questions sur le succès d'une telle formule. Dans quel domaine ce système s'appliquerait-il le mieux ? Pourquoi ? Dans quelles conditions ?
" Il est un domaine d'activité dans lequel ce type de sociétés serait extrêmement intéressant, aussi bien pour les apporteurs de capitaux que pour les salariés, c'est celui des sociétés à fort pourcentage de " matière grise " ; les sociétés financières d'innovation telles qu'elles sont définies par la loi n° 72-650 du 11 juillet 1972, les sociétés de services en informatique, les sociétés de services aux collectivités locales, les bureaux d'études, l'ingénierie, etc. Cependant, à l'intérieur de ces sociétés, diverses prestations peuvent être distinguées : les prestations de haut niveau, celles qui inventent, qui innovent véritablement et celles qui relèvent du travail à façon (en informatique), des services classiques qui ne font que répéter des tâches antérieures. Les premières seules, génératrices d'innovation, peut être associées au capital dans le système juridique de la société d'actionnariat salarié, car elles constituent par elles-mêmes un véritable " capital-travail ".
" Il semble probable, dans ces conditions, qu'un des critères à retenir pour déterminer ces prestations de haut niveau est le traitement élevé versé aux intéressés.
" La société d'actionnariat salarié est une bonne formule pour ces sociétés dans lesquelles généralement les investissements sont faibles et qui disposent de simples fonds de roulement pour faire vivre une équipe de recherche jusqu'au moment où celle-ci peut " se rentabiliser " et s'autofinancer. Or, les capitaux répugnent à s'investir dans des sociétés sans gros outillage, sans immeubles pouvant servir de gages. Les sociétés manquant de capitaux sont fragiles et vulnérables. La France a beau avoir la deuxième industrie mondiale de service informatique (Software), même dans de ce secteur, il est fréquent que les petites entreprises disparaissent.
" Quant aux sociétés industrielles, d'une manière générale, ce système pourrait, à travers la création de filiales, sous cette nouvelle forme juridique, régler leurs problèmes de recherche et celui des brevets déposés dans le cadre de l'entreprise alors que l'invention vient du salarié. La société d'actionnariat salarié, en intéressant le personnel aux résultats de l'affaire, permettra de le fixer dans la société. Il est à noter ici que le sort de ce genre de société dépend souvent du départ de quelques personnes et que la société d'actionnariat salarié est une solution fort satisfaisante à ce problème : par l'augmentation de revenus qui en résulte pour les salariés, par l'assurance de garder leur personnel pour les actionnaires. "
2. Le contenu de la proposition de loi
" Il vise à associer les travailleurs et les apporteurs de capitaux qui se répartissent paritairement les bénéfices sous forme d'actions nouvelles après versement d'un dividende préciputaire aux actionnaires.
" Cette formule réalise en quelque sorte une association idéale du capital et du travail car elle organise une forme de répartition du profit qui consacre les droits des salariés sans léser les apporteurs de capitaux.
" Ces derniers sont rémunérés par un dividende préciputaire. Le reste est distribué de façon égale, entre les salariés et les actionnaires, en actions nouvelles qui résultent d'incorporations automatiques au capital. L'intérêt de cette opération pour les salariés est de voir la part d'actions qui leur est distribuée croître à chaque exercice et de pouvoir ainsi prétendre à une fraction sans cesse accrue du dividende distribué.
" En revanche, les pouvoirs de décision des travailleurs sont peu importants dans ce type de société. Ils sont réduits à ceux des actionnaires que tout salarié de société d'actionnariat salarié devient nécessairement. Il faut cependant signaler la création d'un " fonds d'actionnariat salarié " qui gère les droits acquis sur le capital par les salariés et les représente pour toutes les décisions collectives. Toutefois, ce mode de représentation ne dure que le temps d'indisponibilité des titres distribués.
" Le texte prévoit aussi des avantages tendant à favoriser la transformation de sociétés existantes en sociétés d'actionnariat salarié. La plus importante d'entre elles est la réévaluation périodique des actifs qui est une mesure très exceptionnelle et intéressante pour les entreprises. "
c) L'amorce d'un nouvel essor avec les privatisations (1986-1994)
· le rôle central des privatisations
Parmi leurs différents objectifs, les privatisations visaient notamment à inciter les salariés des entreprises publiques privatisées à devenir actionnaires de leur entreprise. Dans cette perspective, la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations avait prévu des dispositions spécifiques fortement incitatives :
- 10 % du montant des titres mis sur le marché sont réservés aux salariés (article 11) ;
- ceux-ci bénéficient d'un rabais pouvant atteindre 20 % du prix de l'action, mais les titres ainsi acquis ne peuvent être cédés avant deux ans (article 11) ;
- des délais de paiement peuvent être accordés aux salariés (article 11) ;
- la possibilité de distribution d'actions gratuites aux salariés est également prévue (article 12).
Ces dispositions sont toujours en vigueur.
· l'approfondissement des dispositifs de participation
L'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l'intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise et à l'actionnariat des salariés a profondément rénové le cadre législatif de la participation financière et de l'actionnariat salarié. Il comporte notamment des dispositions visant à faire des plans d'épargne entreprise (PEE) institués par l'ordonnance du 17 août 1967 de véritables plans d'actionnariat.
Le PEE est mis en place à l'initiative de l'employeur soit par décision unilatérale, soit par accord négocié conclu selon l'une des 4 procédures prévues pour les accords de participation.
Contrairement à l'intéressement et à la participation qui visent à distribuer un supplément de revenus aux salariés, le PEE est une simple structure d'accueil de l'épargne salariale provenant de quatre sources :
- les sommes versées au titre de l'intéressement, par décision individuelle du salarié ;
- les sommes attribuées au titre de la participation, soit en application de l'accord de participation, soit par décision individuelle du salarié ;
- les versements volontaires du salarié, qui ne peuvent excéder un quart de sa rémunération annuelle ;
- les versements complémentaires de l'entreprise (ou " abondement " qui sont limitées à 15.000 francs par an et par salarié (ou 22.500 francs si les versements au salarié servent à acquérir des actions ou des certificats d'investissement émis par l'entreprise), sans pouvoir excéder le triple de la contribution du bénéficiaire.
Les retraités et les préretraités peuvent continuer à faire des versements sur le PEE. En revanche, les salariés qui ont quitté l'entreprise pour une autre raison ne le peuvent plus, mais peuvent y maintenir les sommes antérieurement placées.
Les fonds recueillis par le PEE sont bloqués pendant un minimum de 5 ans (sauf cas de déblocage anticipé identiques à ceux reconnus pour la participation).
Ces fonds peuvent être consacrés à l'acquisition :
- de titre de SICAV ;
- de parts de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) investis ou non en titres de l'entreprise ;
- d'actions émises par les sociétés créées par les salariés en vue d'une RES ;
- de titres émis par l'entreprise (actions, certificats d'investissement, obligations et autres titres de créances), sans obligation d'instituer un FCPE.
Le PEE est régi par un règlement qui en définit le fonctionnement. Il n'est soumis à aucune obligation de déclaration extérieure. Sa durée peut être limitée en indéterminé. Les frais de tenue de compte restent à la charge de l'entreprise.
La mise en place d'un PEE permet aux entreprises et aux salariés de bénéficier d'un certain nombre d'avantages fiscaux et sociaux :
- pour l'entreprise, les versements effectués sont déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et exonérés de la taxe sur les salaires et de charges sociales ;
- pour le salarié, les sommes versées sur le PEE sont exonérées d'impôt sur le revenu (à l'exception des versements volontaires) et de cotisations sociales. Les produits des sommes versées sur le PEE sont exonérés d'impôt sur le revenu s'ils sont réinvestis, mais supportent la CSG et la CRDS à la sortie.
L'ordonnance du 21 octobre 1986 a introduit deux innovations en faveur de l'actionnariat salarié.
D'une part, on assortissant les sommes investies dans le PEE d'un régime fiscal et social favorable, elle a encouragé le développement de l'épargne salariale et notamment celle investie en action de l'entreprise.
D'autre part, elle a prévu, dans son article 25, un régime spécifique d'augmentation de capital réservée aux salariés adhérant au PEE. Dans ce cas, les salariés peuvent bénéficier d'une décote maximale de 20 % sur le prix de référence du titre, avantage qui s'ajoute aux avantages fiscaux et sociaux du PEE.
Parallèlement, l'ordonnance n° 86-1135 du 21 octobre 1986 modifiant la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés afin d'offrir aux sociétés anonymes la faculté d'introduire dans leurs statuts des dispositions prévoyant que les représentants du personnel salarié siégeront avec voix délibérative au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance a cherché à mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise.
Jusqu'en 1986, la loi du 24 juillet 1966 avait cherché à favoriser l'entrée des salariés parmi les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance de la société, mais très peu d'administrateurs salariés avaient ainsi été désignés.
L'ordonnance du 21 octobre a voulu aller plus loin. Elle a prévu la possibilité d'introduire dans les statuts de la société une clause permettant la désignation d'administrateurs ou de membres du conseil de surveillance élus par le personnel salarié. Seuls peuvent ainsi être élus les salariés qui ont au moins deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et qui sont présentés soit par un ou plusieurs syndicats représentatifs dans l'entreprise, soit par 5 % au moins des salariés ou 100 d'entre eux lorsque les effectifs dépassent 2.000 salariés.
La loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créance a, à son tour, modifié le cadre de gestion de l'épargne salariale.
Les fonds communs de placements d'entreprise (FCPE) existent depuis 1968, l'ordonnance n° 67-694 du 17 août 1967 relative aux plans d'épargne d'entreprise ayant prévu la possibilité de recourir à ce mode de gestion pour le placement des sommes issues de la participation ou recueillies sur le PEE. Les fonds communs de placement " généralistes ", non exclusivement destinés à la gestion de l'épargne salariale, ne furent créés qu'en 1979. Aussi, la loi du 23 décembre 1988 a cherché à harmoniser la réglementation applicable aux FCPE et aux FCP. Votre rapporteur constate néanmoins que ce rapprochement s'est en pratique traduit par une " banalisation " de l'épargne salariale. Il n'a en effet permis ni une amélioration de la sécurité dans la gestion des fonds, ni un développement de l'épargne salariale, tout en devenant souvent une source de complexité supplémentaire pour les entreprises.
Il n'en reste pas moins que les FCPE constituent aujourd'hui la forme principale de gestion de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié.
Les FCPE sont une catégorie particulière de fonds communs de placement, qui sont réservés aux salariés des entreprises. Ils sont des copropriétés de valeurs mobilières, sans personnalité morale, dont les parts sont émises et rachetées, à la demande des porteurs, sur la base d'une valeur liquidative. Les parts émises expriment des droits des copropriétaires, chaque part étant obligatoirement nominative et correspondant à une fraction des actifs compris dans le fonds. Les fonds sont gérés par des sociétés de gestion spécialisées et le portefeuille est conservé par un dépositaire.
Les FCPE sont créés, à l'initiative de l'entreprise, conjointement par une société de gestion et un établissement dépositaire.
Le code du travail prévoit, dans ses articles L. 442-5 et L. 443-3, que les FCPE sont habilités à recevoir les sommes issues de la participation aux résultats et celles placées sur un PEE. En 1997, 64 % de la réserve spéciale de participation était investie en parts de FCPE, tandis que les sommes recueillies par le PEE étaient en quasi-totalité investies en parts de FCPE. Néanmoins, lorsque l'épargne salariale placée sur le PEE est investie en actions de l'entreprise, l'institution d'un FCPE n'est pas obligatoire.
La loi du 23 décembre 1988 distingue deux types de FCPE :
- les FCPE " diversifiés " qui sont constitués en vue de gérer les sommes investies par les salariés, soit dans le cadre de la participation, soit dans le cadre du PEE, ainsi que les sommes investies dans le cadre de l'émission ou de l'achat en bourse d'actions de la société réservées aux salariés (article 20) ;
- les FCPE " actionnariat " dont le portefeuille est exclusivement constitué de titres émis par la société (article 21).
En pratique, les FCPE " article 20 " sont, de loin, les plus nombreux, même si une importante proportion d'entre eux est investie prioritairement en titres de l'entreprise (c'est le cas pour 47 % des FCPE créés en 1998).
Au 31 décembre 1998, il existait 3.610 FCPE. Parmi ces FCPE, 3.198 étaient réservés aux salariés d'une seule entreprise et 412 étaient des fonds " multi-entreprises ", ouverts à toute entreprise souhaitant y adhérer et recevant en conséquence les avoirs de salariés de différentes sociétés.
A cette date, l'encours global des FCPE atteignait 231,8 milliards de francs. Cet encours se répartissait ainsi :
- actions de l'entreprise 88 milliards de francs
- obligations de l'entreprise 13,7 milliards de francs
- actions diversifiées 32 milliards de francs
- obligations diversifiées 33 milliards de francs
- part d'autres OPCVM 48 milliards de francs
- autres produits 16,7 milliards de francs
La constitution d'un FCPE est soumise à l'agrément de la commission des opérations de bourse (COB), la COB ayant publié le 3 février 1998 une nouvelle instruction relative aux FCPE prévoyant notamment l'instauration d'une notice d'information simplifiée destinée à devenir le support d'information obligatoire des FCPE.
Les règles de fonctionnement du FCPE sont définies dans un règlement, établi par la société de gestion et l'établissement dépositaire. Ce règlement précise notamment l'orientation de la gestion du fonds, les modalités de souscription et de rachat des parts, les frais de gestion et les commissions perçues lors de la souscription et du rachat des parts, les modalités et la périodicité du calcul de la valeur liquidative, la nature et la fréquence des informations à fournir aux porteurs de parts et la composition et les pouvoirs du conseil de surveillance.
Le FCPE doit avoir un conseil de surveillance.
Ce conseil est composé :
- dans les FCPE " article 20 " pour moitié au moins de salariés porteurs de parts, les autres membres étant des représentants de l'entreprise ;
- dans les FCPE " article 21 " exclusivement de salariés porteurs de parts.
Le conseil de surveillance, qui se réunit au moins une fois par an, exerce 5 missions principales :
- il fixe les grandes orientations de gestion du fonds,
- il assure le contrôle de la gestion du fonds (et donc de la société de gestion et de l'établissement dépositaire),
- il examine le rapport annuel de gestion,
- il approuve les modifications apportées au règlement du fonds,
- il peut exercer, pour les FCPE " article 20 ", les droits de vote attachés aux titres.
La loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise a poursuivi ce mouvement6(*).
D'abord, elle a cherché à rendre les PEE plus attractifs, notamment en relevant le plafond de l'abondement versé par l'entreprise.
Ensuite, elle a introduit diverses dispositions visant à assortir le développement de l'actionnariat salarié d'un certain nombre de garanties pour les salariés. Ainsi, il est notamment prévu :
- la publication de la part du capital détenu par les salariés dans le rapport annuel de l'entreprise ;
- la mise en place d'un " rendez-vous obligatoire " destiné à favoriser la représentation des salariés dans les organes dirigeants de l'entreprise. Il est ainsi prévu que lorsque la part du capital détenu par les salariés atteint 5 %, une assemblée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer sur l'introduction d'une clause dans les statuts prévoyant la présence d'un ou deux représentants des actionnaires salariés parmi les membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance ;
- la possibilité pour les membres du conseil de surveillance représentant les salariés actionnaires (notamment dans les FCPE) d'effectuer un stage de formation économique de cinq jours ;
- la création du Conseil supérieur de la participation, organisme ayant pour mission d'étudier les différents systèmes de participation (dont l'actionnariat salarié) et de formuler des recommandations pour favoriser leur développement.
2. Les éléments d'un premier bilan
a) Le succès des dispositifs d'épargne salariale
· La montée en puissance de la participation aux résultats
Véritable droit sur les bénéfices dégagés au cours de l'exercice, mais accessible seulement après une durée d'immobilisation de cinq ans, la participation est un système légal qui s'applique même en l'absence de convention ou d'accord collectif pour les entreprises de 50 salariés et plus dégageant un résultat suffisant. Elle reste facultative pour les entreprises de moins de 50 salariés.
De 8.414 entreprises ayant un accord en 1972, la participation concerne en 1997 18.951 entreprises. Parallèlement, le nombre de salariés couverts est passé de 3,6 à 4,9 millions de 1972 à 1997.
Le tableau ci-dessous témoigne de la montée en puissance de la participation ces dernières années.
Les premières expériences d'actionnariat des salariés apparaissent dans la seconde moitié du XIXème siècle.
Cette consécration législative a pris deux formes :
En dépit de ses origines anciennes, l'actionnariat salarié n'avait pourtant pas réussi à s'implanter durablement. Les théories de l'association subissaient la concurrence de la théorie marxiste, fondée non sur l'association mais l'opposition résolue entre capital et travail devant aboutir à la collectivisation des moyens de production et à la suppression de l'économie de marché. Les expérimentations, la plupart du temps teintées d'utopisme ou de paternalisme, se traduisaient le plus souvent par des échecs par manque de pragmatisme. Enfin, la consécration législative de la société anonyme à participation ouvrière restait lettre morte face aux réticences conjointes des syndicats et du patronat.
" L'hiver est là. La nuit tombera vite ce soir. Mais c'est la saison qui convient pour voir nos affaires comme elles sont, assez sombres et inquiétantes ".
Dans l'esprit du Général de Gaulle, la participation devrait faire du salarié un " associé ". Dans cette optique, la participation devait prendre une triple forme :
Idée ancienne et soutenue par le Général de Gaulle, l'actionnariat salarié ne s'est pourtant développé que lentement dans notre pays, son essor étant bien plus lent que celui des autres formes de participation financière, malgré le " coup de fouet " de 1986.
Il est possible de distinguer trois phases distinctes dans la mise en place d'une législation en faveur du développement de l'actionnariat salarié :
· L'ordonnance n° 59-126 du 7 janvier 1959 tendant à favoriser l'association ou l'intéressement des travailleurs à la marché de l'entreprise.
Si la mise en place de régimes d'actionnariat salarié s'est initialement réalisée dans le cadre des mécanismes de participation financière institués par le Général de Gaulle, on assiste à partir de 1970 à une relance plus spécifique du seul actionnariat salarié.
La société d'actionnariat salarié5(*)
1. Les objectifs de la proposition de loi
Malgré la multiplication des dispositifs d'actionnariat salarié dans les années 1970, celui-ci a tardé à se développer en France. C'est pourquoi à partir de 1986, on a cherché à le relancer au travers des privatisations et du reformatage des systèmes d'épargne salariale.
Les PEE
Système facultatif d'épargne collectif, le PEE permet aux salariés qui le souhaitent (sous réserve d'une ancienneté minimum qui ne peut excéder 6 mois), avec l'aide de leur entreprise, de se constituer un portefeuille de valeurs mobilières. Les PEE sont régis par les articles L. 443-1 à L. 443-9 du code du travail.
Les fonds communs de placement d'entreprise
Les FCPE constituent la forme principale de gestion des sommes placées sur les PEE.
Paradoxalement, et en dépit d'une progression sensible à partir de 1986, la succession des initiatives législatives en faveur de l'actionnariat salarié n'a pas permis d'assurer un développement durable de celui-ci en France. A cet égard, il est frappant de constater le décalage entre le succès croissant de l'épargne salariale et la progression plus lente de l'actionnariat salarié.
L'épargne salariale a connu un développement certain, accéléré depuis 1986. Mais la croissance des différentes formes de participation financière a été relativement différenciée. Alors que la participation aux résultats semble avoir atteint une certaine maturité, l'intéressement continue de se développer tandis que les PEE progressent rapidement.