Plaidoyer pour l'association  dans les entreprises

Charles de Gaulle 14 décembre 1948

Nous, peuple français rassemblé, nous voulons que les travailleurs capables deviennent des sociétaires au lieu d'être des salariés.
 
Oh, je ne vais pas, à ce sujet, déclamer des tirades démagogiques. Mais je dirai simplement que si nous voulons cela, ce n'est pas seulement par souci d'élever la condition ouvrière mais c'est aussi par conscience de ce qui est nécessaire au renouveau de la France et à l'avenir de la civilisation. Oui, nous voulons l'association du travail, du capital et de la direction. Et dans quel cadre ? Je réponds. Dans le cadre de l'entreprise, parce que c'est dans l'entreprise que les travailleurs, les capitalistes et les dirigeants collaborent d'une manière pratique. Et sous quelle forme, l'association ? Je réponds. Sous forme de contrat de société passé, sur pied d'égalité, entre tous les éléments qui participent et qui s'engagent les uns vis-à-vis des autres. Les types de contrat étant, naturellement, divers suivant la nature et la dimension des entreprises. Il est bien certain que les modalités de l'association chez Renault ne seront pas les mêmes, exactement, que celles du garage Victor. Et qu'est-ce qu'il y aura dans ce contrat d'association ? Je réponds. Il y aura, naturellement, les conditions particulières que chacun des sociétaires apporte à son concours, par exemple la rémunération de base pour les ouvriers, l'intérêt de base pour le capital, qui fournit les installations, les matières premières et l'outillage, et les droits de base pour les chefs d'entreprise dont c'est la charge de diriger et qui ont, notamment, à pourvoir aux réserves et aux investissements. Mais cela posé, le contrat devra prévoir et régler la rémunération de chacun, du haut en bas, suivant l'échelle hiérarchique, en proportion du rendement collectif de l'entreprise, rendement qui sera constaté périodiquement par l'assemblée des participants. Nous croyons que l'association peut donner à la production française une impulsion décisive. Le régime nouveau aura, comme avantage social, de lier entre eux, dans l'entreprise, de lier entre eux au lieu de les opposer dans l'entreprise, les intérêts des ouvriers, des patrons, des capitalistes. 

Mais aussi... Oh, nous ne nous faisons pas des illusions énormes sur le temps et le nombre d'expériences qu'il faudra pour changer l'atmosphère. Nous savons qu'il faudra du temps et des expériences. Mais l'avantage social à obtenir est tel qu'on doit pouvoir supporter ce temps et ces expériences-là. Et puis aussi l'association aura pour effet technique de pousser tous les producteurs ensemble à améliorer la productivité et le rendement.